Elle parle au vent

Préface
Pas à pas, patiemment et avec confiance Nicole Dubromer avance progressivement sur ses petits arpents de poésie. C’est un dialogue hors du temps, avec le vent, mais un vent que l’on voudrait pacifier.
« Elle parle au vent du désert, par la pensée, les lèvres fermées »
Elle nous touche par sa réelle sincérité, son étonnement permanent d’une vie qu’elle voudrait féerique. Tout est indéfini, informel, livré à la caresse du vent. Elle demeure une rêveuse inconditionnelle et parfois ses chemins rejoignent ceux de l’innocence d’un enfant toujours dans l’étonnement. Elle voudrait tout simplement déposer les couleurs de la palette du peintre sur ses poèmes, sorte de saupoudrage coloré :
« Un peintre passait en terre de poésie »
Sa poésie est rassurante, elle nous apaise comme un joli ciel rose. dans son espace onirique, tout devient source d’enchantements, d’émotions, mais il n’en est pas toujours ainsi, tout peut glisser dans le noir. Les rêves sont souvent fragiles, cependant notre poétesse ne se désarme pas et sort de son panier de nouvelles graines d’imaginaire qu’elle lance dans le vent. Elle porte en elle cette sorte d’innocence communicative qui finit par nous interroger et nous emporter. Elle perpétue la légende du poète porteur de tendresse, de sagesse, Elle s’imagine un paradis qui pourrait nous faire songer à ces scènes de l’antiquité où un barde, un philosophe rassemblent autour d’eux la population du village qui s’abreuve de leurs paroles. Comme le facteur Cheval a érigé son « Palais Idéal » Nicole Dubromer tente d’élaborer son « Palais Poétique » où toutes les muses, aèdes seraient réunis. Tout se mêle et cohabite dans son palais, oiseaux, fées, anges, parfums, mélodies, symphonies célestes.
Au détour d’un vers notre poétesse émet toutefois un doute :
« Dieu existerait-il donc ? »
Rien n’est possible, probablement aux regards de certains, mais sans doute sous une forme universelle globale. Oui, peut-être ? Enfin s’il existe, il est censé être souffle de la vie. Être au début du verbe ! Nonobstant, avec ou sans Dieu une chose est évidente pour notre amie Nicole Dubromer la poésie c’est la vie, et si c’est la vie elle doit se faire l’ambassadrice de l’Amour.
Michel Bénard
* Lauréat de l’Académie Française*
Poèmes et extraits du recueil
Elle parle au vent
Elle parle au vent, la bouche muette, Par la pensée, les lèvres fermées, Au nuage qui chuchote dans sa tête Elle parle au vent, aux tempêtes Elle parle au vent, la bouche muette Au vent glacé du Nord Lorsque gronde les marées, Et qu’il s’engouffre dans le port Sa brutalité la fait pleurer Elle parle au vent, aux tempêtes, Par la pensée, les lèvres fermées Sur la harpe du vent elle regrette Ses baisers sur la rive déserte Balayée par les vents, Une musique s’élève Elle tourbillonne dans sa tête Elle parle au vent du désert Par la pensée, les lèvres fermées Elle aurait aimé un bouquet de roses Offert aux quatre vents Mais la brise dépose Sur le sable une rose des vents Nicole Dubromer (2016)
Et le vent murmure à mon oreille
« Viens suis-moi, je t’emmène
Dans « un Ailleurs »
Sentir le parfum des fleurs
Ecouter le chuchotis des fougères
Le clapotis de l’eau des ruisseaux
S’assoir sur la douceur de la mousse
Caresser le satin des feuilles rousses
Viens avec moi dans ce royaume
Le temps et la douleur n’existent pas
Seul le bruissement du vent sur les tiges
Chuchote à l’oreille et donne le vertige
Là-bas le temps est précieux, capricieux
Les minutes d’amour
Sont des éternités très courtes
Il n’y a pas d’attente
Le présent agréable
L’avenir désirable
Une musique en boucle
Tourne dans ma tête
Le cœur toujours en fête
Ecoute ces notes cristallines »
Nicole Dubromer (2016)
Ô Poète !
Ô petit poète prend ta plume,
Et ton bâton, petit vagabond,
Tu chanteras sous la brume,
Voulant atteindre l’horizon
Arrête-toi pour cueillir une fleur sur ta route
Que tu offriras à ta bien-aimée
Par des pierres tranchantes tu seras blessé,
Tu rencontreras des humiliés, des rejetés,
Ouvre ta besace et leur donne un baiser
(extrait de L’Oiseau Bleu Nouvelle Pléiade 2017)
Et le poète marchait, marchait…
Il arriva devant une grande porte en fer forgé
Qui le conduisit aux « Champs Elysées »
Extrait de « Elle parle au vent » ( Nouvelle Pléiade 2016)
Une muse avec sa pomme d’or qui lui servait de «passe» frôla l’immense porte ciselée qui s’ouvrit sur le palais des Lettres et des Arts du raffinement.
Là les bienheureux habillés de grandes
Robes blanches de voile fin
Retenues par des torsades dorées
Ignorent la souffrance et la faim
Toute la journée les troubadours
Ecrivent des messages d’amour,
De bonheur, aux oiseaux, aux fleurs,
Aux étoiles embaumées par leur cœur
Les poètes écrivent sur de l’argile
Avec des plumes d’oie à l’encre de Chine.
Les poètes en manque d’amour
Cherchent la plus belle rime
Pour plaire à la plus belle fille
Celle qui rime avec toujours
A la recherche de l’amour
Soudain une fée vint lui faire un baiser
Elle lui dit : « La poésie c’est magique
Elle vous emplit de musique
Elle vous charme
Elle se lit entre les lignes
Et ils versèrent une larme.
Ils rencontrent Victor, le roi des poètes
Qui arrive de Villequier et leur dit :
« Ne comptez plus les pieds, laissez courir la plume,
Celle qui vous inspire sous la lune
Le poète me présenta à son ami qui passait par là
Il était encore jeune quoi qu’un peu froissé
L’allure mi voyou, mi dandy, un peu illuminé,
Ce vieil enfant me disait sa révolte
Contre les convenances, le milieu familial
Les injustices, la religion et la morale
Il était sentimental devant un pétale.
Il faut être « voyant » disait-il
Par le dérèglement des sens
Eprouver toutes les formes d’amour, de souffrance,
De folie et n’en garder que la quintessence
« J’embrasse l’univers »
La magie des sensations
Les hallucinations me font
Transposer la réalité avec tant d’émotion
Partons sur « Le Bateau Ivre » :
« J’étais insoucieux de tous les équipages
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais…
Les fleuves m’ont laissé descendre où je voulais… »
« Je suis ivre de mots lorsque j’écris
Illuminé de superpositions hardies
De sensations ou d’images
Ou en surimpressions de paysages éblouis »
A.R.
Un homme en manteau sombre
Le crane dégarni, suivi par son ombre
Sous « Le soleil noir de la mélancolie »
Marchait dans sa tête avec un grain de folie
Il me dit que pensez-vous de la poésie ?
Moi, j’aime jongler avec les mots, dis-je
La poésie je la couche dans mon lit,
La liberté d’expression me sert d’édredon
« La poésie doit répondre aux questions du peuple »
Lui répondis-je. Avec une belle langue comme la nôtre
Il faut la partager avec ceux qui n’ont rien
Leur donner de beaux mots en cadeau
« Je n’ai pas ce souci » dit-il en versant une larme
« Pourvu que l’expression soit belle
Et que les mots me servent d’armes
Dans la lutte contre le bien et le mal »
« Je suis aussi préoccupée par la beauté »
Lui dis-je : « je la voudrais toujours plus belle
Qu’elle partage les valeurs spirituelles
Que l’artiste se rapproche de la sainteté ».
Le poète semblable à « l’albatros »
« Exilé sur le sol au-milieu des huées
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher »
Le poète passe sa vie à chercher des mots.
De la foule il est méprisé, il passe pour un idiot
Mais il trouve une consolation avec les images
Qui rendent les choses plus belles.
La Beauté rend l’univers moins sourd
Et les instants moins lourds,
Elle nous enivre de plaisir esthétique
La Beauté est-elle divine ou satanique ?
Soudain le poète se retourne et me demande :
Avez-vous déjà aimé ? De quel amour ?
Pour ma part , je suis déchiré
Entre l’amour sensuel et l’amour spirituel
Avec Jeanne, c’est l’amour sensuel
Par la volupté et l’exotisme
Elle me fait vivre dans un monde de sensations,
D’images ensoleillées et d’évasion
Avec une autre femme, c’est l’amour spirituel
Au-delà d’un grand sentiment, elle me rapproche du ciel
C’est l’amour passion désincarné, un cœur en fusion
C’est ma muse, mon ange, débordant d’émotion
Vous verrez comme elle est belle, comme elle rayonne
Par le reflet de son âme dans « l’inaccessible azur »
Vous verrez le reflet de son regard mystérieux et pur
Pareille à un ange immortel, elle me fait toucher le ciel
Elle est un soleil qui éloigne le nuage de la débauche
La muse qui me conduit sur la route des mots
Elle est la madone par la douceur qu’elle me donne
Parfois elle m’ensorcelle dans une valse de sensations,
Elle me conduit sur la route de la Beauté
De parfums, de couleurs, de musique et de sons
Certes, le sentiment d’amour n’est pas simple à vivre
Le plaisir sensuel est grand,
Mais il lui manque le parfum de l’encens
« La senteur des fleurs et des choses muettes
J’aimerais un amour spirituel
Caresser, effleurer sa joue sensuelle
Aussi doux qu’un pétale de rose
J’aimerais l’embrasser mais je n’ose
J’aimerais « aller là-bas vivre ensemble »
L’aimer sans souci, d’un amour pur
Mais comment briser les chaînes de la vie ?
A travers ses yeux en larmes, je vois le ciel d’azur
(dialogue extrait du Paradis des poètes) dans « Elle parle au vent » Nicole Dubromer (2016) Edition Nouvelle Pléiade
Votre commentaire